Correspondance entre Monsieur et Madame Lofficial de mai à octobre 1789.

Louis-Prosper Lofficial

Né à Montigné sur Moine en Anjou le 28 octobre 1751.

Député du Poitou à l’Assemblée nationale de 1789

et député des Deux-Sèvres à la convention de 1792

  Présent à Versailles, il est témoin et acteur direct des événements et des débuts de la révolution. Ce sont ces événements qu’il relate dans ses courriers à son épouse, restée en Poitou.

 Louis Prosper Lofficial Bailli de robe longue et lieutenant général du bailliage de Vouvant, siégeant à la Châtaigneraie, est élu délégué du tiers état pour le Poitou et à ce titre va siéger aux états généraux en mai 1789 à Versailles. Il est alors agé de 38 ans (5 iéme sur 14).

Sans le savoir, il écrit l’histoire en marche.

De mai à novembre 1789, dans sa correspondance à sa femme, correspondance à caractère privé sinon intime il décrit sa vie de député au jour le jour : les doutes, les peurs, le travail en commission, les grandes décisions. Il participe au serment du Jeu de Paume, il fait partie des 300 députés qui accompagnent le Roi à Paris le 17 juillet 1789. Il vit au plus près les journées d’octobre. Il s’inquiète aussi de sa famille, sa femme malade, son fils ,sa fille et ses connaissances , et aussi de ses affaires au pays, les métayers qui ont 7 mois de retard dans le paiement de ses fermes, vendre le blé, acheter une barrique de vin pour les faucheurs !

  Ses lettres à sa femme sont écrites sur le vif,

  Le véritable intérêt de ces témoignages, c’est d’avoir été écrits dans l’instant, sans pouvoir imaginer l’avenir, ni où cela les mènera. À la différence des nombreux écrits qui seront rédigés 15 ou 20 ans après…..quand on connaissait le sens du vent et la fin de l’histoire !sa calligraphie trahit son état d’inquiétude ou de tranquille sérénité selon les moments.

Nous avons mis les liens vers l’original de chaque lettre publiée sur le site des archives de Vendée afin que vous puissiez confronter transcription et original.

                                               Joël Rouille pour CRHachards

Chapitre I

Versailles du 18 mai au 9 juillet 1789 Des états Généraux à Assemblée Nationale

https://etatcivil-archives.vendee.fr/ark:/22574/s0062aaeada2f621/62aaeada32129     archives départementales de la Vendée cote 319 J 9

Lettre originale 1

Versailles, 18 mai 1789

Monsieur Du Plessis m’a écrit, ma chère femme, que tu étais tellement occupée à arranger ma bibliothèque, que tu n’as pu prendre le temps de m’écrire, quoi que je serai fondé à te dire que cet arrangement qui vous pouvait être avancé, ou différé ne devait pas être un obstacle à ce que tu m’eus écrit un petit mot, ne fusse que dans la lettre de Monsieur Duplessis pour me prouver, tu songeais en moi, cependant je consens à ne te faire aucune querelle, et à t’assurer, que si tu as eu tort, je n’en veux pas avoir un à ton égard.

Je ne te donne point de nouvelles, par ce que nous n’en avons aucune intéressante, notre besogne n’avance guère, ou plutôt nous n’avons encore rien fait, si les deux ordres ne se réunissent pas au corps de la nation, les états généraux n’auront pas lieu et nous serons bientôt dans nos provinces

Si au contraire les deux premiers ordres se réunissent à nous pour opérer le bien et le bonheur de la France, nous resterons ici au moins huit mois. Une si longue absence me contrariera beaucoup surtout étant séparée de toi, mais, ma bonne amie, si tu désires autant que moi notre réunion, nous pourrons l’opérer dans le mois de juillet, et je t’indiquerai la manière de venir me joindre en passant par Angers. Madame Filleau femme d’un conseiller de Niort aussi député serait ta compagne de voyage et nous irions tous les deux au-devant de vous. Prends donc tels arrangements, et fait faire des robes principalement à robe noire qui te sera absolument nécessaire vu le deuil qui aura lieu à la cour incessamment. Ta présence ici ne m’occasionnera pas une grande dépense, nous occuperons le même appartement, et la nourriture n’excédera pas 30 sous par jour, m’étant mis ici en pension chez un très honnête homme chez qui je loge bien agréablement. Ainsi, je te conseille de te rendre le plus tôt que tu pourras à Montigné pour te faire habiller, me marque ton départ quelques jours auparavant et même huit jours si cela se peut, afin que je ne t’écrive pas à la Châtaigneraie après ton départ.

            Madame Filleau est, m’a-t-on dit, fort aimable, et à peu près de ton âge. Je t’indiquerai lorsqu’il en sera tant le moyen de voyager commodément et à peu de frais, surtout ne parle à personne de ce projet.         Embrasse bien tendrement ta mère pour moi, et l’assure que je lui suis encore plus attaché, s’il est possible, d’après les soins qu’elle t’a donnés dans ta dernière maladie.           M. ton fils garde à mon égard le plus profond silence, il ne m’écrit pas. Je pense que tu vas le voir. Mille choses honnêtes à Monsieur de Fontaine et à Monsieur Dupouet. J’embrasse Mariette Tu m’as écrit que Monsieur Beugnet m’avait écrit, envoie-moi copie de sa lettre. Porte toi bien ma chère femme.

  

  Versailles, rue des Bourdonois n° 12 le 23 mai 1789

Lettre originale 2

Il y a apparence ma bonne amie, que tu n’es point assez purgée, puisqu’après une maladie sérieuse, l’appétit ne revient pas. Peut-être qu’en prenant pendant quelques jours des bouillons d’herbes légères tu pourrais rétablir ton estomac, et être bientôt en état de venir me joindre, ce que je désire beaucoup. Tu auras vu par ma dernière lettre que si les États généraux ne sont point interrompus, j’en ai ici au moins pour six mois, ainsi si tu attends mon retour pour aller à Montigné, tu attendrais longtemps. Lors que tu y iras, ma sœur te remettra l’argent du blé qu’elle a vendu, tu toucheras aussi quelques prix de ferme. Ma bourse me suffira encore pour cinq mois. Ce sont des avances que chacun de nous est obligé de faire qui lui rendront. Et de la manière dont je m’arrange ainsi que Monsieur Gallot nous n’aurons pas de perte. Nous payons 45 livres chacun de loyer et un écu pour toute notre nourriture, nous sommes bien logés et bien nourris, et si nous pouvions déterminer quelqu’un à venir manger avec nous, il nous en coûterait moins. Je suis persuadé que ta nourriture et la mienne ne monterait pas à plus de 4 livres 10 sous par jour, ainsi ce ne serait que 30 sous par jour que tu m’occasionnerais de dépenses, ou plutôt ce serait une grande économie malgré les frais de ton voyage. Nous aurions d’ailleurs la satisfaction d’être réunis ; je pense que ta mère ne refuserait pas de se charger de Mariette, et tu prierais ton frère d’en prendre soin.

Monsieur de Necker

Je ne vois point ton cousin, il semble qu’il me fuit, il est venu à
Versailles, il y resta deux jours, je le vis par hasard lors que je revenais
de chez Monsieur Necker ; je l’engageai à
dîner je ne le vis point. Je l’attendis jusqu’à
7 h 30 que je fus obligé de sortir pour
contresigner mes lettres, il vint un instant
après au moment de son départ. Je partis
mercredi dernier de Versailles dans l’intention de lui faire remplir l’objet de sa mission, je le rencontrais dans la rue, je promenais le soir avec lui, et lui donnai rendez-vous pour le lendemain, et que j’irai avec lui chez le secrétaire de Monsieur Séguier afin qu’il fût dans le cas de partir incessamment pour Reims.

Il me dit qu’il renonçait à l’état d’avocat, qu’il avait été plusieurs fois à l’audience de la grande chambre, et quoiqu’on ‘y parle fort au et qu’il se mit près des avocats il n’entendait rien. Je n’insistai pas, parce qu’il me semble que ce serait des frais inutiles. Mais Monsieur Gallot connaît un médecin qui a rendu l’ouïe à plusieurs sourds, il m’a promis d’y mener Monsieur le Breton, si nous pouvons le rencontrer. Pour passer son temps il va à l’école gratuite de dessin et de peinture, s’il pouvait prendre goût à cet art, il lui conviendrait mieux que la jurisprudence. Il est inutile, ma bonne amie, que tu prennes du vin chez Monsieur Baze, notre absence fera que nous n’en consommerons guère peut-être.
Feras-tu bien d’acheter une barrique de vin de la Châtaigneraie pour les fauches et pour Falour. L’année qui se prépare nous aurons quantité et qualité de vin.Ne soit point inquiet de ma santé, elle est tout à fait bonne, fasse le ciel que la tienne soit ainsi !
Rappelle-moi au souvenir de Mesdames Duplessis, de Beauregard, et de St-Marc, de mm Duplessis, de St-Marc, Des Roches, et de Fontaine, fait agréer mes hommages à les Dorne. Embrasse ta maman en mon intention, et l’assure de mon respectueux attachement.
Ton fils m’a écrit, il a toujours mal à la jambe je pense que tu iras le voir.
Mes compliments au Dupouet, je lui écrirai par le prochain courrier N’ait nulle inquiétude, nous sommes en parfaite sécurité.

Si tu peux savoir qui as écrit au Duplessis au nom de M. le comte d’Artois et quel est l’objet de la lettre, je te prie de me le marquer.*

( Second frère de Louis XVI, le comte d’Artois, futur Charles X,de la famille royale. , il quitta la France lors des premiers soubresauts de la Révolution, en juillet 1789, pour n’y revenir qu’en 1814. )

Versailles, rue des Bourdonois n° 12 le 29 mai 1789

Lettre originale 3

Je ne t’écrivis point par le dernier courrier, ma bonne amie, par ce que je ne pus le faire, notre séance fut prolongée lundi dernier, ce qui m’obligea de remettre à m’entretenir avec toi à ce jour, je le fais un peu tumultueusement, je t’écris sur mes genoux dans l’assemblée, je serai souvent interrompu, je m’y remettrai plusieurs fois, et peut-être finirai-je dans la journée. Il est possible que nous ne sortions de l’assemblée qu’à six heures ce soir, et nous y sommes dès sept heures ce matin. Hier nous tînmes séance depuis huit heures jusqu’à deux heures et demie après-midi, et depuis cinq heures jusqu’à onze heures du soir. Nous touchons au moment d’une décision qui opérera la Révolution désirée en formant la constitution française, ou qui opérera la dissolution des États généraux, tu verras le résultat de nos opérations par le bulletin que j’envoie joint à la présente à Monsieur de Fontaine au premier cas, c’est-à-dire si les États généraux ne sont pas dissous, il est possible que nous soyons encore ici dans un an. Au second cas seront avant un mois chez nous ; mais quel serait les suites affreuses d’une pareille résolution ? Je ne m’arrête pas sur cette idée, elle fait frémir. Quel sera le sort de la noblesse dans la plupart des provinces instruites de sa résistance et de son entêtement sans principe ?

Nous apprenons que dix châteaux dans la Picardie ont déjà été pillés et incendiés, respectera t’on leurs personnes, lors qu’on les accusera d’avoir empêché la tenue des États généraux et la restauration de la France. Espérons que la divine providence préservera le royaume d’une guerre civile qui le menace, et de la banqueroute qui serait la suite inévitable de la dissolution des États généraux.

La maison de Monsieur Des Roches ne nous convient absolument point, je désire qu’il en trouve le haut prix qu’il y met. Celle de Monsieur Baudin nous conviendrait mieux, mais le prix
excessif qu’il y met ne me convient pas. Puisque 300 livres de prix de ferme est son dernier mot, il n’y faut pas songer. J’aurais pris le tout sans rien diviser mais la maison achevée, le salon de compagnie, et mon cabinet [achevé] planché je n’en aurais donné # (en marge : y compris le jardin et le pré) que 200 livres ou tout au plus 240 livres. Au mois de décembre dernier Monsieur Baudin me fit entendre qu’il me la donnerait même à moins de 200 livres. Dans tous les cas, connaissant les affaires de Monsieur Baudin je n’aurais jamais donné les 450 livres qu’il exige pour finir sa maison, et par avance sur les prix de ferme je me serais exposé à payer deux fois. Tout ce que j’aurais pu faire aurais été de payer les ouvriers a fur et mesure qu’ils auraient travaillé en déduction du prix de ferme. Au surplus il est inutile d’entrer dans les discussions, le parti de Monsieur Baudin étant pris ; d’ailleurs il n’y a guère d’apparence que je sois à la Châtaigneraie à la Saint-Michel prochaine, la ferme ne pourrait être prise que pour la Saint-Michel 1790.

Ce n’est point Monsieur le Marquis d’Asnière qui a procuré la croix de Saint-Louis à M. de Vouillé, mais bien M. le comte de La Tour du Pin commandant en second du Poitou, qui s’était intéressé pour M. de Vouillé à la sollicitation de Monsieur Cochon Du Vivier de Rochefort.

J’ai lu la lettre que M. de Vouillé a écrite ici à M. de L’aparent son beau-frère, où il lui
annonce que M.de La Tour du Pin a enfin obtenu du ministre la croix de Saint-Louis
qu’il sollicitait, et qu’elle avait été envoyée à M. le marquis d’Asnières pour la lui
remettre. Qu’à la vérité M. De Vouillé s’était adressé il y a plusieurs années à Monsieur d’Asnière qui lui promit tout et ne fit rien.

J’ai lu la lettre que M. de Vouillé a écrite ici à M. de L’aparent son beau-frère, où il lui
annonce que M.de La Tour du Pin a enfin obtenu du ministre la croix de Saint-Louis
qu’il sollicitait, et qu’elle avait été envoyée à M. le marquis d’Asnières pour la lui
remettre. Qu’à la vérité M. De Vouillé s’était adressé il y a plusieurs années à Monsieur d’Asnière qui lui promit tout et ne fit rien.Je n’approuve ni ne désapprouve ton bon marché de toile et l’acquisition de ton arrosoir, il me semble que dans la circonstance tu aurais pu te dispenser de faire ses emplettes, les bons marchés ruinent, et ton fils pouvait se passer de chemise d’ici deux ans. Je ne sais si tu accepteras la proposition que je t’ai fait de (venir) me joindre à Versailles, si nous continuons nos opérations ici, je(pense que) puisqu’il est presque certain que nous y resteront l’hiver. Tu me feras savoir ta résolution.
Nous admettons à nos conférences tous les étrangers qu………. Saches que soient les discussions, les dames ne désemparant pas (des) tribunes elles y restèrent hier jusqu’à onze heures et demi, elles y sont encore à neuf heures et demi. Les gradins autour de la salle sont remplis d’honnêtes habitants de tous ordres, nous voulons que le public soit
instruit de nos intentions.

Je n’écrirai à Monsieur Duplessis que la semaine prochaine, je n’ai pas encore pu lire le mémoire qu’il a envoyé, embrasse Mme m…… ainsi que Made Duplessis. Tu ne m’oublieras pas non plus auprès de Mesdames de Beauregard et de St Marc et des Roches et de ces messieurs, mes compliments à M. Dupouet et à tous ceux qui s’intéressent à moi. Embrasse ta maman à mon intention et l’assure de mon respect.
Adresse-moi toujours tes lettres sous l’enveloppe de Monsieur Du Terrage, il est trop tard pour aller faire contresigner. À Madame Madame Lofficial à la Châtaigneraie Bas Poitou.

Versailles le 5 juin 1789

Lettre originale 4

Je te répète, ma bonne amie, que je serais très aise que tu te décides à faire le voyage de Versailles, et lors que tu seras parfaitement décidée, je t’indiquerai la manière de venir par Angers, il n’est guère possible que tu profites de l’occasion de Made Filleau de Niort, par ce que pour venir te joindre à Angers il faudrait qu’elle fît près de soixante lieues, elle ne pourrait passer ailleurs que par Nantes. D’un autre côté je ne te conseillerais pas d’aller la rejoindre à Niort, la route est beaucoup plus longue et conséquemment plus dispendieuse, de Niort à Paris il y a 105 lieues et de Paris à Versailles 5, Total 110 lieues et on en paye 115 de poste. D ‘Angers à Versailles il n’y a que soixante-trois [cinq] lieues et on en paye que 65.

M. Le dauphin mourut hier à une heure du matin, aussi nous voilà en deuil, mais probablement ce deuil ne sera que de six semaines et il n’est guère possible que tu sois venu auparavant.

(Joseph Xavier François meurt a 7 ans de la tuberculose à 1 heure du matin le 4 juin 1789)

Ainsi il n’est pas possible que tu ne viennes qu’avec une robe noire ; cependant ne fait faire que celle-là ou tout au plus une autre de taffetas, par ce que tu pourras les faire faire ici mieux au goût actuel on porte beaucoup de blanc, tu en apporteras le plus que tu pourras. Si tu veux apporter ton satin en pièce tu pourras le faire mettre en œuvre ici, et t’en servir cet hiver. Il y a bien de l’apparence si les États généraux sont mis en activité, que nous resterons au moins une partie de l’hiver ici, ainsi il sera bon que tu te précautionne. Lorsque tu seras à Montigné, je t’enverrai un état des prix de fermes que tu pourras toucher. Ton cousin est venu lundi dernier me demander à dîner avec le fils de Made de la Nicolière qui étudie en médecine, et —- Mr. Jeullin de Mortagne qui étudie aussi la médecine et est ami de M. de Fontaine. Il a renoncé à se faire recevoir avocat, ne pouvant entendre, il va au dessin il fait bien. Il m’a dit avoir changé de demeure à Paris, mais et je ne sais où il loge actuellement.
Je t’ai écrit, ma bonne amie, que je ne donnerai au plus que deux cent quarante livres de ferme de la maison de Bodin, encore et certainement je n’ en donnerai pas davantage, elle est même trop chère à ce prix, au surplus elle n’est pas finie, elle le serait difficilement avant la St.-Michel, et si les choses ne changent il n’y a pas d’apparence que je sois sorti à cette époque de Versailles, il suffirait donc de la prendre pour la St. Jean prochaine, jusqu’à ce temps il pourrait la faire finir et creuser un puits, ce qui est indispensable. Si tu viens à Paris je te conseille de laisser Mariette à Cholet plutôt qu’à Montigné, à moins que tu ne penses qu’elle gêne ton frère ou ta mère, il serait profitable de lui donner quelque maitre à Cholet, au lieu qu’à Montigné et elle ne pourrait que perdre, et s’accoutumer à courir avec des enfants du bourg qui ne lui conviennent guère. Monsieur Gallot et moi nous accommodons parfaitement ensemble,
il pense qu’il sera obligé de faire un tour dans le Poitou pendant le temps des États généraux. Si cela était, tu pourrais revenir avec lui, et peut-être avec M de Gallot mais je n’y compte pas.
Embrasse bien tendrement pour moi et lui réitère l’assurance de mon respect, idem à M. et Madame Duplessis que je voudrais bien voir, mais mon sort est d’être toujours éloigné d’eux.
Tu connais [mot rayé] mes sentiments ils sont inaltérables, et les plus sincères.
À Madame Madame Lofficial

Versaille 6 juin 1789

Lettre originale 5

Si véritablement, ma bonne amie, tu désires venir me joindre, je crois que tu pourrais sans inconvénient profiter de l’ouverture que je t’ai donnée, d’écrire à Angers à ta tante le plus tôt possible pour l’engage à prendre des informations, si quelques dames d’Angers ne seraient
point décidées à faire le voyage de Paris dans les premiers jours d’août, soit qu’elles partent dans la voiture publique, soit qu’elles partent dans une voiture particulière.

Cependant malgré la réunion des ordres, malgré l’opinion par tête qui paraît consacrée ayant déjà eu lieu plusieurs fois, je n’ose espérer que nous ne serons point traversés par les ennemis de l’État, la cabale ne cesse d’assiéger le trône et de calomnier la nation. Tu me dis de souscrire pour le journal de Versailles pour Mademoiselle de Rechigne voisin, et tu ne me dis pas pour combien de temps. Est-ce pour l’année, est-ce seulement pour trois mois comme j’ai souscrit pour Monsieur Duplessis ? Il coûte 21 livres pour l’année et 7 livres 4 sols pour trois mois. Ces rois mois sont les plus cher à proportion, mais il est probable qu’après ce temps il n’y est plus rien d’intéressant, si comme il est possible, la continuation des États généraux soit remise à l’an prochain. Vois le journal si tu es désireuse de nouvelles. Je t’embrasse ma bonne amie, de tout mon cœur. Lofficial Mes compliments à M. De Fontaines et à M. Dupouet, mention de moi à tous ceux qui me font l’honneur de te demander de mes nouvelles.

Il est surprenant que l’on fasse courir des bruits aussi invraisemblables sur la nomination aux États généraux de M. Dillon curé de Pouzauges. On ignore que ce sont les petits curés qui ont concouru à son élection, et d’après cela comment peut-on se permettre de dire que les billets ont été payé 12 sols. Dans le vrai M. Dillon est généralement estimé aux États généraux, il a la réputation d’un bon et honnête citoyen. Je dînai vendredi dernier chez M. l’archevêque de Paris président de mon bureau, j’eu l’honneur d’y trouver M. le curé de la Trinité, et d’être honoré de sa conversation l’après dîné.

S’il a mouillé hier à la Chataigneraie comme ici, notre foin aura été bien arrosé, heureux s’il n’est point perdu. Si la baronne a toujours été malade, et si ton fils n’a point pris l’herbe,
nos chevaux seront bien maigres. Les 123 livres qui restaient du sur la ferme Dupas ont été touchés avec autres objets par M. Girard pour la pension de notre fils et la rente de Monsieur Audouin. Les feudistes ont droit de prendre le contour d’une maison et dépendances, mais n’ont pas le droit d’entrer dans les appartements, il suffit de leur déclarer, s’ils le demandent, le nombre des pièces dont une maison est composée. Tu ne me dis point si M. de Sourdis est encore à l’Etenduère, ou s’il est rendu à Gesté, je compte lui écrire. Tu feras bien de te rendre le plus tôt que tu pourras à Cholet, et de là à Montigné, et de veiller à ce que le champ que j’ai fait emblaver à moitié, soient battu séparément, et mesuré dans l’aire. J’ai lieu de me défier un peu de Fonteneau, je reçus l’an dernier la laine sans la peser je le fis, et son orge sans la mesurer, il s’en fallait une demie livre, et je ne sais combien d’orge lorsque je le fis mesurer hors de sa présence, il ne faudra plus rien recevoir de lui sans mesurer, j’ai trouvé plus de probité chez les Guittets, il faudra aussi que Falour veille à ce que les gerbes ne se volent pas.

Le peuple s’amuse avant qu’il soit peut-être temps, on fait des caricatures de toutes espèces. Une représente un laboureur portant sur son dos un prélat et un duc, et le paysan dit « je pense que ce jeu-là finira bientôt » un autre représente un char sur lequel est assis Louis XVI traîné par un prélat et un duc, et poussé par un laboureur

Cependant malgré la réunion des ordres, malgré l’opinion par tête qui paraît consacrée ayant déjà eu lieu plusieurs fois, je n’ose espérer que nous ne serons point traversés par les ennemis de l’État, la cabale ne cesse d’assiéger le trône et de calomnier la nation. Tu me dis de souscrire pour le journal de Versailles pour Mademoiselle de Rechigne voisin, et tu ne me dis pas pour combien de temps. Est-ce pour l’année, est-ce seulement pour trois mois comme j’ai souscrit pour Monsieur Duplessis ? Il coûte 21 livres pour l’année et 7 livres 4 sols pour trois mois. Ces rois mois sont les plus cher à proportion, mais il est probable qu’après ce temps il n’y est plus rien d’intéressant, si comme il est possible, la continuation des États généraux soit remise à l’an prochain. Vois le journal si tu es désireuse de nouvelles. Je t’embrasse ma bonne amie, de tout mon cœur. Lofficial Mes compliments à M. De Fontaines et à M. Dupouet, mention de moi à tous ceux qui me font l’honneur de te demander de mes nouvelles.

Versailles le 22 juin 1789

Lettre originale 6

Je t’écrivis samedi dernier, ma bonne amie, par Fontenay, Monsieur Gallot mis ma lettre dans celle qu’il écrivait aux Desorient, je te fis part des nouvelles vraiment alarmantes, et dont nous craignions encore l’événement. Je te disais que vendredi soir la délibération du clergé durant depuis huit jours avait arrêté à la pluralité de 149 voix contre 137 qu’il se réunirait à nous. Que le parti opposé avait protesté et fortement cabalé pour faire dissoudre les États généraux, que le cardinal de La Rochefoucauld et l’archevêque de Paris allèrent le même jour trouver le roi à Marli lui assurer contre la vérité que la majorité de leur ordre était de rester en chambre séparée ; ils réclamèrent la protection du roi en assurant que ceux qui défendait avec courage les droits du trône et de la religion était exposés, que leurs personnes n’étaient pas en sûreté, et le Parlement fit de son côté de pareilles clameurs ainsi que la noblesse. Ce qui détermina le roi à tenir, ce jour lundi, une séance royale ou il eut probablement déployé son autorité contre les communes, ce qui aurait pu exciter une guerre civile dans le royaume.

Que n’ayant pu
entrer dans notre salle, nous nous étions retirés dans un jeu de paume où nous avions tenu l’assemblée,

. et fait le serment de de ne nous jamais séparer de l’Assemblée nationale et de nous réunir à elle jusqu’à ce que la constitution du royaume fût assurée Que nous avions tous signés notre délibération et notre serment. Je joignis à ma lettre un exemplaire de notre délibération du 17 juin qui a causé une vive sensation dans la capitale. Je t’en envoie encore un nouveau.

Serment du jeux de paume Versailles 20 juin 1789

Hier dimanche il y eu conseil, les ennemis de la Nation avaient tellement prévenu le roi contre nous que nous avions tout à craindre la dissolution des États généraux, et toutes les horreurs qui en auraient été la suite nécessaire. Monsieur Necker offrit, assure-t-on, sa démission au roi. Aujourd’hui les portes de notre salle étant ainsi que samedi dernier investies par des gardes, nous nous sommes assemblés dans l’église de St-Louis. Nous avons vu avec plaisir la majorité du clergé venir se réunir à nous ayant à la tête les archevêques de Vienne et de Bordeaux, les évêques de Chartres et de Coutances et……. reçus aux grandes acclamations du public. Tous nos curés du Poitou, celui de Cholet et deux d’Anjou y sont, et j’ai le désagrément de voir[que] le curé de la Trinité de Clisson, le seul parent que j’ai à l’assemblée, courber la tête sous le despotisme épiscopal, trahir tout en même temps la patrie et ses commettants pour plaire aux évêques. Instruit de leur pernicieux dessein, je me suis dispensé de le voir, je ne le verrai pas, il n’est plus mon parent puisqu’il est mauvais citoyen. On nous a dit pendant la séance que Monsieur Necker avait eu le dessus et que ses ennemis et ceux de l’État étaient terrassés, ainsi soit-il. C’est sans doute ce qui aura fait différer la séance royale à demain, puisse nos espérances se vérifier !

Les députés gentilshommes du Dauphiné sont aussi venus se joindre à nous. La séance a fini à quatre heures qui fait que je
n’ai guère le temps d’écrire.
Mes respects à votre mère, embrasse-la, ma chère femme, M. et Madame Duplessis en mon intention de tout ton cœur. Ne
m’oublie pas auprès de Monsieur de Fontaine et de toute la société.
Donne-moi des nouvelles de Baron et de sa mère, même de Diane.
Je ne sais plus où loge Monsieur Lebreton il y a un mois que je ne l’ai vu. Je vais rarement à Paris j’en suis à cinq eu lieues. Tu feras bien de te munir de ta redingote de
taffetas violet pour promener le matin.

réunion des trois ordres

Versailles le 9 juillet 1789

Lettre originale 7

Nous sommes entourés de troupes, de baïonnettes et de canons, de même que si l’ennemi de la France était à Versailles. Trois camps de 15 mille hommes chacun, infanterie, cavalerie, dragons, hussards se forment, outre un grand nombre de troupes qui est déjà à Versailles.

Cette milice armée porta l’assemblée a arrêté lorsque le roi serait supplié de faire retourner ses troupes d’où elles étaient parties. Le roi ayant hier soir donner audience à notre président déclara son intention n’était pas d’attenter la liberté de l’Assemblée nationale, mais que le rapprochement des troupes était nécessaire pour ramener l’ordre et la tranquillité dans la capitale. Néanmoins nous avons insisté encore aujourd’hui, et on a lu une adresse éloquente pour présenter au roi, afin de l’engager à retirer ses troupes. Cette pièce sublime sera mise dans les papiers publics. Nous avons aussi arrêté aujourd’hui l’ordre des objets préliminaires et intéressants qui allaient nous occuper, nous nous assemblons dans nos bureaux à six heures, quoique nous ne soyons sortis de l’assemblée qu’après trois heures. Voici les grands objets que nous allons discuter :

1° déclaration des droits de l’homme.

2° principes de la monarchie.

3°droits de la nation.

4° droits du roi.

5° organisation des Assemblées nationales.

6° formes nécessaires pour l’établissement des lois.

7° organisation et fonctions des assemblées provinciales et municipales.

9° fonction et devoir du pouvoir militaire / chacun de ces articles sera susceptible de différentes sections.

 Presque toutes les provinces du royaume ont envoyé des arrêtés pris dans les capitales, ou dans des petites villes ou communautés, pour féliciter l’Assemblée nationale de la fermeté, et de la prudence dans ses arrêtés 17. 20 et 23 juin. Le Poitou, fors Châtellerault apparu insensible, quelques villes ont envoyé des députés pour complimenter, ce silence ne flatte pas les députés du Poitou en ce qu’il donne une mauvaise impression de notre province, une preuve de son in sensibilité. Si M. Canet se trouve une place commode, je te conseille de l’accepter préférablement à tout autre. J’ai écrit ce matin à Monsieur le Garde des Sceaux au sujet de la prétention de lever l’office de Bailli d’épée du bailliage de Vouvant. Je lui ai dit qu’étant Bailli de robe longue, il ne pouvait y avoir de Baillid’épée, parce qu’il ne pouvait pas y avoir deux chefs dans un bailliage, qui tous les deux auraient le droit de prendre la première place, de faire instituer des sentences dans leurs noms. Que l’exemple des Baillis de robe longue était commun en Poitou. Fontenay, Loudun, Montmorillon, Vouvant, ont des Baillis et sénéchaux de robe longue, et n’ont jamais eu de Bailli d’épée… Je pense que la demande du marquis d’Asnières sera rejetée, je pense que c’est lui qui sollicite cette place purement honorifique, mais je ne serai pas flatté de le voir à mes côtés. J’embrasse ta maman, Mad. et M. Duplessis. Respect et compliment à la société, et à ceux qui s’intéressent à nous. Je t’embrasse, ma chère femme, et Mariette du meilleur de mon cœur.

[D’une autre écriture]
Madame,
Ayant trouvé cette lettre dans le paquet du dernier courrier je vous l’envoie de suite, je pense que c’est la dernière que je recevrai vu que je lui ai écrit votre départ de la Châtaigneraie (Monsieur Lofficial) ; depuis que vous êtes en allé il est tombé deux à trois fois de l’eau ici ce qui me fait croire qu’il y aura du regain dans votre pré. Il s’est trouvé une lettre à la poste dernière timbrée de Clisson, je présume qu’elle est de votre couturière, j’en ai payé le port, et Mlle Friot ayant mis acquitté cette lettre vous parviendra franche de port à ce qu’elle m’a dit. M. et Mde. Duplessis ne sont pas encore de retour ils doivent venir mercredi ou jeudi prochain. Monsieur Duplessis sera obligé d’aller à Poitiers le 27 de ce mois à l’assemblée de la noblesse du Poitou qui aura lieu en vertu d’un règlement fait par le roi pour réformer les pouvoirs donnés aux députés de cet ordre. Marie vous prie de lui envoyer du sable de votre canton meilleur que celui d’ici pour fourbir et n’oubliez pas les cadenas de M. Gourmaud il en a besoin. Je vous souhaite, ma bonne dame, joie santé et contentement. En espérant de vos nouvelles. Je finis en vous réitérant les sentiments respectueux et de fidèle attachement. Madame le 16 juillet 1789 votre très humble et très obéissant serviteur Dupouet. Madame Madame Lofficial, à sa maison commune Montigné par Tiffauges Monsieur Gaumont et moi ont l’honneur de souhaiter le bonjour à
Madame Lofficial. /
Je t’embrasse et t’aime toujours. Lofficial
Madame Madame Lofficial à Montigné

à suivre

Chapitre II